Lors de l’Université du Bonheur au Travail, Amélie Motte et Dorothée Vincent ont partagé leur vision du métier de Chief Happiness Officer. Merci à Fabienne Broucaret de My Happy Job pour la synthèse des échanges.
Chief Happiness Officer. Ce métier venu des Etats-Unis est aujourd’hui ultra-médiatisé, mais trop souvent réduit à un rôle d’organisateur d’apéros autour d’un baby-foot. Pas étonnant dans ce contexte que seulement 12% des actifs plaident pour la création d’un poste de CHO et que cette fonction reste méconnue de la grande majorité des salariés (86%), surtout des non-cadres. Ses missions et ses responsabilités au sein de l’entreprise ne sont pas bien identifiées.
Or, le CHO est LA figure emblématique qui cristallise le changement de paradigme en cours, qui amène de plus en plus d’organisations à ne plus seulement adopter une posture défensive centrée sur la prévention des risques psychosociaux, mais à s’ouvrir à une posture positive centrée sur l’épanouissement des femmes et des hommes au travail.
I/ Un métier polymorphe
Il n’existe pas aujourd’hui de définition claire des missions du Chief Happiness Officer. En effet, l’appellation CHO recoupe un ensemble de missions et de positionnements variés. Quatre orientations peuvent tout de même être distinguées :
1° Une orientation “Convivialité”
Son rôle : Faciliter la vie des collaborateurs et créer une bonne ambiance de travail.
Il s’agit du profil le plus commun aujourd’hui parmi les CHO. Il organise des événements pour favoriser la convivialité et rendre service aux collaborateurs : apéros, team-building, petits déjeuners, mise à disposition du fameux babyfoot ou d’une conciergerie par exemples.
2° Une orientation “Communication”
Son rôle : Faire circuler l’information pour mobiliser les énergies autour des projets et poser les bases d’une coopération efficace
C’est une sorte de Community Manager qui utilise les outils de communication interne pour assurer une bonne circulation des informations. Il cultive la fierté d’appartenance des collaborateurs à l’organisation en mettant en avant les valeurs, les réussites, les engagements de l’entreprise, les décisions clés… Grâce à son action, les collaborateurs sont régulièrement tenus au courant de la vie de l’entreprise et des opportunités qui s’offrent à eux en son sein.
3° Une orientation RH
Son rôle : S’assurer que tous les processus RH sont conçus pour favoriser l’épanouissement des collaborateurs.
Cela demande de porter une attention particulière à l’on-boarding et aux évaluations, mais aussi de s’intéresser au climat interne, à la conciliation vie pro – vie perso, à la formation ou encore au management. Le profil correspondant est davantage celui d’un directeur des ressources humaines sénior, ayant une expérience des relations sociales en entreprise car son échelle d’actions est plus ample et ses initiatives plus diversifiées.
4° Une orientation “Organisation’
Son rôle : S’assurer que l’organisation du travail, la gouvernance, les processus de l’entreprise sont pensés pour faciliter et favoriser l’engagement, l’autonomie, l’innovation.
Il travaille alors de façon transverse sur les processus de l’organisation. Son poste est très proche d’une DG de société et s’inscrit dans la lignée des métiers de la transformation. Il se destine naturellement à des individus ayant une grande expérience de l’entreprise.
II Nos recommandations pour faire émerger votre CHO
1° A chaque organisation son CHO !
Le mandat du CHO doit être défini en fonction de l’impact attendu sur la transformation. Son périmètre va dépendre du profil de votre organisation (start-up de 20 salariés, PME ou grand groupe), du contexte (période de crise ou de croissance forte) et de vos besoins (maintenir une bonne ambiance de travail ou améliorer le climat social, favoriser l’innovation ou améliorer l’engagement, etc.). Tout dépend de là où vous en êtes et où vous voulez aller.
> Une phase d’analyse des besoins et enjeux est impérative pour définir le bon profil de CHO
2° Le soutien de la direction, elle-même sincèrement convaincue de l’importance du sujet, est indispensable
La présence d’un CHO marque un engagement fort et visible d’une organisation en faveur du bonheur au travail. Dès lors, il doit bénéficier du soutien de la direction pour mener à bien son action. La direction, au-delà de l’intention, doit « s’investir » dans ce sujet. Et non nécessairement « investir » car engager une démarche en faveur du bonheur au travail n’est pas nécessairement coûteux. > Le soutien de la direction va asseoir la légitimité du CHO
3° Former le CHO aux sciences du bonheur
Il n’existe pas de formation initiale pour exercer ce métier. Des formations courtes sur la thématique du bonheur au travail commencent à émerger. La Fabrique Spinoza a ainsi créé une école de formation en 2017 (l’Académie Spinoza). Une veille continue sur les bonnes pratiques et les outils est tout aussi essentielle. > La fonction de CHO demande un apprentissage permanent
4° Créer et animer un réseau de relais internes qui vont porter le sujet.
Ces ambassadeurs sont des relais du CHO. Un facteur essentiel du succès de sa mission réside dans sa capacité à fédérer une communauté la plus large possible et la plus inclusive possible d’acteurs internes du bonheur au travail afin que chacun se sente responsabilisé et engagé sur le chemin de l’entreprise heureuse. > Le CHO est un animateur de réseau.
5° La stratégie des petit pas
Ne visez pas une énorme transformation, mais plutôt un cheminement progressif. Un cercle vertueux d’apprentissage va s’initier et entretenir un mouvement en intégrant les différentes parties prenantes.
> Le but est de faire émerger plutôt que d’imposer des changements.
En conclusion, deux mises en garde nous semblent importantes pour une action efficace. Attention à l’injonction au bonheur. Selon nous, le Bonheur n’est n’y un droit ni un devoir mais une aspiration fondamentale de l’être humain. Les moments plus difficiles, les conflits, le découragement font également partie de la réalité de la vie dans une organisation. Il ne s’agit pas de les ignorer ni d’être fataliste, mais, au contraire, d’y prêter une grande attention pour pouvoir les dépasser. Attention aussi au « Pink Washing », c’est-à-dire à une conception utilitariste ou opportuniste du bonheur au travail. Le bonheur au travail est d’abord un objectif en soi, et non un outil au service de la performance. La performance en est la résultante.